
” OVA NIHIL “
Une forme qui cherche sa liberté
L’œuf traverse l’histoire de l’art comme un symbole dense : origine du monde, mystère de la vie, unité parfaite ou métamorphose en puissance. De nombreux artistes s’y sont confrontés. Anna s’y est plongée autrement — par accident, presque par jeu.
Un jour, elle a eu l’idée de peindre un œuf avec un bleu d’œuf. Un geste anodin, pour s’amuser. Mais il a marqué le début d’une obsession. L’œuf s’est imposé comme motif central, qu’elle a exploré hors de sa coquille.
Sous une apparente uniformité chez l’individu se logent des singularités profondes. Là, est le propos de cette série.
L’œuf, casi neutre, n’est pas encore marqué par le monde. Il se situe à la frontière entre son identité propre et les règles d’un monde conditionné, normé, où la majorité impose souvent ses repères.
Héritier et inscrit dans une continuité – celle d’une lignée familiale et celle de la longue Histoire humaine – il est une potentielle matrice issue d’une autre matrice — une forme en devenir. Car que fait-on avec un œuf, sinon attendre qu’il devienne…
…Et il devient une scène minimale sur le poids de l’existence, entre singularité et culture, entre relativité et nihilisme.
Hériter d’un corps dans un contexte inattendu, c’est là tout le défi de l’existence.
L’œuf, dans sa réalité première, est liquide, mou, instable. C’est une sphère dissimulée dans une forme imparfaite.
Anna le travaille comme un objet qui se révèle. Elle le libère de sa coquille, le tort, le fictionnalise. Arraché à sa forme ovoïdale originelle — à ses codes biologiques, géométriques — elle détourne l’œuf de sa banalité apparente pour mieux révéler nos particularités. À la fois matrice de la vie, cellule primitive et surface de projection infinie, il contient l’origine mais aussi le mystère : naître — oui, mais qui va sortir de la coquille ?
Détaché de ses références pour devenir un petit monde autonome, l’autre idée est que l’œuf ne renvoie plus simplement à la naissance ou à l’embryon, mais ouvre un espace de liberté plastique. Le sujet se dédouble, se déforme, mute, s’invente d’autres lois, s’invente une mythologie.
Posé sur une surface, il devient un OVNI.
Ses techniques varient selon les pièces : acrylique, encre, collage, résine. Elle intègre parfois des éléments hétérogènes ou fait des inclusions, pour introduire une présence nouvelle, plus dense, presque charnelle.
Avec OVA NIHIL, elle explore le seuil des différences, dans un suspens en amont et en aval.
Nous naissons singuliers, et pourtant, dès la naissance, tout commence à changer et nous devenons la somme d’une addition d’expériences.
Alors, au fil du temps, notre singularité se traduit autrement.